mardi 5 octobre 2010

Infections à ROTAVIRUS de l’enfant : Des souches émergentes pour les futurs vaccins ?

Infections à ROTAVIRUS de l’enfant : Des souches émergentes pour les futurs vaccins ?

Les rotavirus sont la cause principale des gastro-entérites aiguës de l’enfant. Dans le cadre de la vaccination, une surveillance prospective est requise pour caractériser les infections à rotavirus et détecter l’émergence de souches à risque épidémique. Plusieurs équipes ont participé de 2006 à 2009 à une enquête en ce sens. Si la stabilité génotypique des rotavirus en France assure l’efficacité vaccinale à court et moyen terme, les souches G12 et G8 susceptibles d’émerger dans l’avenir doivent être prises en compte dans de futurs vaccins.
Cette enquête a effectué le recueil et l’analyse des selles d’enfants admis aux urgences pédiatriques de 13 CHU pour diarrhées. Les rotavirus ont été détectés puis génotypés par la technique de PCR en temps réel (RT-PCR).
Sur 1.947 rotavirus génotypés, les souches G1 (61,7 %) et G9 (27,4 %) étaient prédominantes et stables, suivies de G2 (6,5 %), G3 (4 %) et G4 (2,5 %), majoritairement associées avec P[8] (92,9 %), au total 31 souches atypiques et réassortants potentiellement zoonotiques, notamment G12 et G8, certaines étant génétiquement proches de souches bovines. Les souches G12 et G8 seraient susceptibles d’émerger dans l’avenir doivent être prises en compte dans de futurs vaccins. Il faut poursuivre la surveillance pour maîtriser l’émergence de nouveaux réassortants échappant aux vaccins actuels.

Chez le jeune enfant, les rotavirus du groupe A sont responsables dans le monde de 29 à 45 % des hospitalisations pour gastro-entérites aiguës (GEA) et diarrhées sévères, avec plus de 600.000 décès annuels, surtout dans les pays où malnutrition et mauvais état des structures sanitaires alourdissent le pronostic. Afrique et Asie concentrent 80 % des décès par diarrhée. Si une prise en charge thérapeutique rapide et adaptée a permis de réduire considérablement la mortalité, les GEA ont un surcoût annuel en termes de dépense de santé et de perte de temps de travail pour les parents.

Une couverture vaccinale inférieure à 10% : Le développement de vaccins doit prévenir spécifiquement les formes sévères de GEA dans les deux premières années de vie. Deux vaccins vivants atténués oraux sont disponibles : Rotarix ® monovalent de GSK, RotaTeq® polyvalent de Sanofi-Pasteur-MSD. Leur introduction au calendrier vaccinal dans le monde a permis une nette diminution des consultations et hospitalisations pour GEA à rotavirus et de la mortalité avec un aplatissement de la courbe épidémique. En France, ces infections entraînent environ 300.000 épisodes par an de diarrhée aiguë chez les enfants de moins de 5 ans avec près de 140.000 consultations et 18.000 hospitalisations, le décès restant exceptionnel (moyenne : 13-14/an chez les moins de 3 ans). Coût annuel estimé : 28 millions d’euros. Le taux de couverture vaccinale est actuellement inférieur à 10 %.
Emergence de souches de génotypes G inhabituels : La biologie moléculaire a permis une meilleure compréhension de l’épidémiologie des rotavirus. Si, globalement, les souches sont différentes d’une espèce animale à l’autre, il n’existe pas de barrière d’espèces stricte, la transmission inter-espèces est possible, en particulier de l’animal à l’Homme. Ainsi, sur la base de leurs protéines externes de capside VP7 (type G) et VP4 (type P), induisant toutes deux des anticorps neutralisants, les rotavirus du groupe A peuvent être classés selon 19 génotypes G et 31 génotypes P, d’où une diversité considérable de souches. Les études montrent que 5 combinaisons génotypiques sont responsables de plus de 90 % des infections à rotavirus chez l’Homme. Des souches de génotypes G inhabituels émergent dans le monde, notamment dans les régions tropicales, et sont pour certaines des rotavirus animaux qui ont pu passer à l’Homme. La connaissance moléculaire des rotavirus circulants, de leurs dérives antigéniques ou de leurs réassortiments avec des souches humaines ou animales, est nécessaire pour assurer adéquation et efficacité des formules vaccinales. Pour cela doit être entreprise la surveillance des dérives antigéniques des rotavirus se produisant sous la pression immunitaire et des réassortiments potentiels entre souches humaines et animales.
Optimiser la prise en charge des GEA : Si en juin 2009, l’OMS avait demandé l’inclusion du vaccin anti-rotavirus dans les programmes nationaux de vaccination des enfants, en France, la vaccination anti-rotavirus des nourrissons de moins de 6 mois n’est actuellement pas recommandée dans le calendrier vaccinal 2010, mais le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) rappelle l’importance des actions nécessaires pour améliorer la prise en charge des GEA et les pratiques de réhydratation orale du nourrisson. Dans l’éventualité où ces vaccins viendraient à être plus largement administrés, le Réseau rotavirus pourrait assurer surveillance et évaluation de l’efficacité de la vaccination, de l’effet possible sur la diversité des rotavirus circulants et de la détection des souches atypiques émergentes qui pourraient échapper à l’immunité vaccinale.
Des études à grande échelle sur les infections à rotavirus permettraient d’optimiser la stratégie vaccinale afin d’assurer la meilleure protection possible chez les jeunes enfants susceptibles d’être vaccinés.

Source : Alexis de Rougemont, Jérôme Kaplon, Caroline Fontana, Pierre Pothier et coll., le Réseau rotavirus, BEH 37, 5/10/2010. Etude soutenue par Sanofi-Pasteur-MSD (Lyon,) le Réseau rotavirus européen (EuroRotaNet), le CHU de Dijon, le Centre national de référence des virus entériques (Dijon), l’InVS, mise en ligne Yann-Mikael Dadot, Santé log, le 4 octobre 2010

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